Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Erasmus Campus FLE
4 janvier 2010

Lectures - Albert Camus - L'étranger

EtrangerMosaique

Sélection des textes de "L'étranger"- Albert Camus

6 Extraits Textes / Audio

L'Etranger, I, 1

http://www.ac-strasbourg.fr/pedago/lettres/lecture/Letrangerext1.htm

L'Etranger, I, 2

http://odeo.com/audio/1702365/view 

http://www.ac-strasbourg.fr/pedago/lettres/lecture/Letrangerext2.htm

L'Etranger, I, 3

http://www.ac-strasbourg.fr/pedago/lettres/lecture/Letrangerext3.htm

L'Etranger, I, 6

http://odeo.com/audio/17652753/view

3 EXTRAITS - L'étranger

letranger

L'étranger - Première partie (Bibliopax)
http://www.bibliopax.com/pagelitt30.html

L'étranger - Deuxième partie
http://www.bibliopax.com/pagelitt30a.htm

Premiere partie fichier PDF

Campusdiaporama    

AUDIO  RESSOURCES:

Albert Camus vous lit L'étranger - Radio Canada

L'étranger enregistré par Albert Camus (1954) - Audio Youtube

http://aliquid.free.fr/IMG/mp3/2144letranger.mp3

http://aliquid.free.fr/IMG/mp3/2144letranger2.mp3

En me réveillant, j’ai compris (Chapitre 2 - Odeo)



CAMUS AUDIO / VIDÉO LITTERATURE
Dossier Albert CAMUS - Archives Emissions Radio - Documents Sonores
http://flecampus.ning.com/profiles/blogs/dossier-camus-france-culture

camus

CAMUS  RESSOURCES  -  VIDEO:

Interview Camus, Prix Nobel 1957, lors du match - INA

Albert Camus regarde un match

A propos "Les possédés"(INA)

Interview Camus "Les possédés" (Internet Archive)

Camus, Chase, Kessel et les autres

Camus, lumières et ombres   -  Vers Dailymotion

René Char A.Camus, correspondance

Source:
LITTÉRATURE AUDIO - VIDEO

http://www3.unileon.es/dp/dfm/flenet/docauteurs.html


Publicité
Publicité
Commentaires
M
Discours du 10 décembre 1957<br /> <br /> <br /> <br /> Ce discours a été prononcé, selon la tradition, à l'Hôtel de Ville de Stockholm, à la fin du banquet qui clôturait les cérémonies de l'attribution des prix Nobel.<br /> <br /> http://classiques.uqac.ca/classiques/camus_albert/discours_de_suede/discours_de_suede_texte.html<br /> <br /> <br /> <br /> En recevant la distinction dont votre libre Académie a bien voulu m'honorer, ma gratitude était d'autant plus profonde que je mesurais à quel point cette récompense dépassait mes mérites personnels. Tout homme et, à plus forte raison, tout artiste, désire être reconnu. Je le désire aussi. Mais il ne m'a pas été possible d'apprendre votre décision sans comparer son retentissement à ce que je suis réellement. Comment un homme presque jeune, riche de ses seuls doutes et d'une œuvre encore en chantier, habitué à vivre dans la solitude du travail ou dans les retraites de l'amitié, n'aurait-il pas appris avec une sorte de panique un arrêt qui le [12] portait d'un coup, seul et réduit à lui-même, au centre d'une lumière crue ? De quel cœur aussi pouvait-il recevoir cet honneur à l'heure où, en Europe, d'autres écrivains, parmi les plus grands, sont réduits au silence, et dans le temps même où sa terre natale connaît un malheur incessant ?<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai connu ce désarroi et ce trouble intérieur. Pour retrouver la paix, il m'a fallu, en somme, me mettre en règle avec un sort trop généreux. Et, puisque je ne pouvais m'égaler à lui en m'appuyant sur mes seuls mérites, je n'ai rien trouvé d'autre pour m'aider que ce qui m'a soutenu, dans les circonstances les plus contraires, tout au long de ma vie : l'idée que je me fais de mon art et du rôle de l'écrivain. Permettez seulement que, dans un sentiment de reconnaissance et d'amitié, je vous dise, aussi simplement que je le pourrai, quelle est cette idée.<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n'ai jamais placé cet art [13] au-dessus de tout. S'il m'est nécessaire au contraire, c'est qu'il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l'artiste à ne pas s'isoler ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d'artiste parce qu'il se sentait différent, apprend bien vite qu'il ne nourrira son art, et sa différence, qu'en avouant sa ressemblance avec tous. L'artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s'arracher. C'est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s'obligent à comprendre au lieu de juger. Et, s'ils ont un parti à prendre en ce monde, ce ne peut [14] être que celui d'une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne régnera plus le juge, mais le créateur, qu'il soit travailleur ou intellectuel.<br /> <br /> <br /> <br /> Le rôle de l'écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou, sinon, le voici seul et privé de son art. Toutes les armées de la tyrannie avec leurs millions d'hommes ne l'enlèveront pas à la solitude, même et surtout s'il consent à prendre leur pas. Mais le silence d'un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l'autre bout du monde, suffit à retirer l'écrivain de l'exil, chaque fois, du moins, qu'il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence et à le faire retentir par les moyens de l'art.<br /> <br /> <br /> <br /> Aucun de nous n'est assez grand pour une pareille vocation. Mais, dans toutes les circonstances [15] de sa vie, obscur ou provisoirement célèbre, jeté dans les fers de la tyrannie ou libre pour un temps de s'exprimer, l'écrivain peut retrouver le sentiment d'une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu'il accepte, autant qu'il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté. Puisque sa vocation est de réunir le plus grand nombre d'hommes possible, elle ne peut s'accommoder du mensonge et de la servitude qui, là où ils règnent, font proliférer les solitudes. Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s'enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l'on sait et la résistance à l'oppression.<br /> <br /> <br /> <br /> Pendant plus de vingt ans d'une histoire démentielle, perdu sans secours, comme tous les hommes de mon âge, dans les convulsions du temps, j'ai été soutenu ainsi par le [16] sentiment obscur qu'écrire était aujourd'hui un honneur, parce que cet acte obligeait, et obligeait à ne pas écrire seulement. Il m'obligeait particulièrement à porter, tel que j'étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la même histoire, le malheur et l'espérance que nous partagions. Ces hommes, nés au début de la première guerre mondiale, qui ont eu vingt ans au moment ou s'installaient à la fois le pouvoir hitlérien et les premiers procès révolutionnaires, qui ont été confrontés ensuite, pour parfaire leur éducation, à la guerre d'Espagne, à la deuxième guerre mondiale, à l'univers concentrationnaire, à l'Europe de la torture et des prisons, doivent aujourd'hui élever leurs fils et leurs oeuvres dans un monde menacé de destruction nucléaire. Personne, je suppose, ne peut leur demander d'être optimistes. Et je suis même d'avis que nous devons comprendre, sans cesser de lutter contre eux, l'erreur de ceux qui, par une [17] surenchère de désespoir, ont revendiqué le droit au déshonneur, et se sont rués dans les nihilismes de l'époque. Mais il reste que la plupart d'entre nous, dans mon pays et en Europe, ont refusé ce nihilisme et se sont mis à la recherche d'une légitimité. Il leur a fallu se forger un art de vivre par temps de catastrophe, pour naître une seconde fois, et lutter ensuite, à visage découvert, contre l'instinct de mort à l'œuvre dans notre histoire.<br /> <br /> <br /> <br /> Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l'intelligence s'est abaissée [18] jusqu'à se faire la servante de la haine et de l'oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d'elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d'établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu'elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d'alliance. Il n'est pas sûr qu'elle puisse jamais accomplir cette tâche immense, mais il est sûr que, partout dans le monde, elle tient déjà son double pari de vérité et de liberté, et, à l'occasion, sait mourir sans haine pour lui. C'est elle qui mérite d'être saluée et encouragée partout où elle se trouve, et surtout là où elle se sacrifie. C'est sur elle, en tout cas, que, certain de votre accord profond, [19] je voudrais reporter l'honneur que vous venez de me faire.<br /> <br /> <br /> <br /> Du même coup, après avoir dit la noblesse du métier d'écrire, j'aurais remis l'écrivain à sa vraie place, n'ayant d'autres titres que ceux qu'il partage avec ses compagnons de lutte, vulnérable mais entêté, injuste et passionné de justice, construisant son œuvre sans honte ni orgueil à la vue de tous, toujours partagé entre la douleur et la beauté, et voué enfin à tirer de son être double les créations qu'il essaie obstinément d'édifier dans le mouvement destructeur de l'histoire. Qui, après cela, pourrait attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales ? La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu'exaltante. Nous devons marcher vers ces deux buts, péniblement, mais résolument, certains d'avance de nos défaillances sur un si long chemin. Quel écrivain dès lors oserait, dans la bonne conscience, se [20] faire prêcheur de vertu ? Quant à moi, il me faut dire une fois de plus que je ne suis rien de tout cela. Je n'ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d'être, à la vie libre où j'ai grandi. Mais bien que cette nostalgie explique beaucoup de mes erreurs et de mes fautes, elle m'a aidé sans doute à mieux comprendre mon métier, elle m'aide encore à me tenir, aveuglement, auprès de tous ces hommes silencieux qui ne supportent dans le monde la vie qui leur est faite que par le souvenir ou le retour de brefs et libres bonheurs.<br /> <br /> <br /> <br /> Ramené ainsi à ce que je suis réellement, à mes limites, à mes dettes, comme à ma foi difficile, je me sens plus libre de vous montrer, pour finir, l'étendue et la générosité de la distinction que vous venez de m'accorder, plus libre de vous dire aussi que je voudrais la recevoir comme un hommage rendu à tous ceux qui, partageant le même combat, n'en ont reçu aucun privilège, mais ont [21] connu au contraire malheur et persécution. Il me restera alors à vous en remercier, du fond du cœur, et à vous faire publiquement, en témoignage personnel de gratitude, là même et ancienne promesse de fidélité que chaque artiste vrai, chaque jour, se fait à lui-même, dans le silence.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Conférence du 14 décembre 1957<br /> <br /> <br /> <br /> Cette conférence, sous le titre L'ARTISTE ET SON TEMPS, prononcée dans le grand amphithéâtre de l'Université
Répondre
P
Divers documents PDF autour de L'étranger<br /> http://www.pdfgeni.com/book/L----%C3%A9tranger-Albert-camus-partie-2-pdf.html<br /> <br /> # Get books about L étranger Albert camus partie 2 for free from Usenet<br /> # Analyse formelle du récit dans L'Etranger d'Albert Camus<br /> # Albert Camus lit L'étranger - REMIX<br /> # Albert Camus: une comparaison de «L'étranger» avec «La peste»<br /> # ALBERT CAMUS „L`ETRANGER“ Ici vous trouvez: 1. Portrait de ...<br /> # CAMUS'S TECHNIQUE IN L'ETRANGER<br /> # Albert Camus<br /> # L'ecart-auteur narrateur-dans-l'etranger-d'albert-Camus.rtf<br /> # Albert Camus, La Peste<br /> # Technique narrative parataxique et psychologie des personnages ...<br /> # ALBERT CAMUS AND GRAHAM GREENE By HENRY A. GRUBBS In an article in ...<br /> # Module 23<br /> # Briant T. Fitch, L'Étranger d'Albert Camus€: un texte, ses ...<br /> # PLOT AND COUNTER-PLOT IN L'ETRANGER<br /> # JOSEPH JURT Le mythe d'Adam Le Premier Homme d'Albert Camus<br /> # Références de livres, films, thèses, périodiques & articles ou ...<br /> # L'Etranger de Albert Camus<br /> # BACCALAUREATGENERAL<br /> # Diction et contradiction dans un texte de <Emphasis Type="Italic ...<br /> # L'étranger.<br /> # LA M INIM ALITE DANS L'ETRANGER D'ALBERT CAM US<br /> # Albert Camus contre la rupture<br /> # DOSSIER Albert Camus (1913-1960)<br /> # How to write a French dissertation<br /> # texte Albert Camus mise en scène Guy-Pierre Couleau jeu 26 avril ...<br /> # Syllabus semestre FA09 .V.L Scattolin<br /> # NOM : ………………………………………… PRENOM : …………………………………………<br /> # ALBERT CAMUS ENTRE LA TERRE ET LA LUNE OU CALIGULA ET LES POÈTES<br /> # Retour aux sources: crisis and reappraisal in Albert Camus's final ...<br /> # Unit Outline<br /> # Annette Saint-Pierre<br /> # Références de livres, de thèses, de films, de périodiques ou de ...<br /> # Compétence finale<br /> # La structure de l'espace dans « L'Étranger »<br /> # ANALYSE SÉMANTIQUE STRUCTURALE DE L'OEUVRE D'ALBERT CAMUS
Répondre
C
L'Etranger - Google Livres<br /> Includes French text, notes and a detailedintroduction in English put the work in its social and historical context.<br /> http://books.google.fr/books?id=mOPy-3GsXroC&printsec=frontcover&dq=Albert+Camus&lr=&hl=es&sig=9sr9OH1aw4mcI1cWJPTyR9t5P-Y#PPA53,M1<br /> L'Etranger<br /> http://books.google.fr/books?id=mOPy-3GsXroC&printsec=frontcover&dq=Albert+Camus&lr=&hl=es&sig=9sr9OH1aw4mcI1cWJPTyR9t5P-Y<br /> <br /> ------------------<br /> <br /> Chapitre 4. <br /> <br /> J'ai bien travaillé toute la semaine, Raymond est venu et m'a dit qu'il avait envoyé la lettre. Je suis allé au cinéma deux fois avec Emmanuel qui ne comprend pas toujours ce qui se passe sur l'écran. Il faut alors lui donner des explications. Hier, c'était samedi et Marie est venue, comme nous en étions convenus. J'ai eu très envie d'elle parce qu'elle avait une belle robe à raies rouges et blanches et des sandales de cuir. On devinait ses seins durs et le brun du soleil lui faisait un visage de fleur. Nous avons pris un autobus et nous sommes allés à quelques kilomètres d'Alger, sur une plage resserrée entre des rochers et bordée de roseaux du côté de la terre. Le soleil de quatre heures n'était pas trop chaud, mais l'eau était tiède, avec de petites vagues longues et paresseuses. Marie m'a appris un jeu. Il fallait, en nageant, boire à la crête des vagues, accumuler dans sa bouche toute l'écume et se mettre ensuite sur le dos pour la projeter contre le ciel. Cela faisait alors une dentelle mousseuse qui disparaissait dans l'air ou me retombait en pluie tiède sur le visage. Mais au bout de quelque temps, j'avais la bouche brûlée par l'amertume du sel. Marie m'a rejoint alors et s'est collée à moi dans l'eau. Elle a mis sa bouche contre la mienne. Sa langue rafraîchissait mes lèvres et nous nous sommes roulés dans les vagues pendant un moment. <br /> Quand nous nous sommes rhabillés sur la plage, Marie me regardait avec des yeux brillants. Je l'ai embrassée. A partir de ce moment, nous n'avons plus parlé. Je l'ai tenue contre moi et nous avons été pressés de trouver un autobus, de rentrer, d'aller chez moi et de nous jeter sur mon lit. J'avais laissé ma fenêtre ouverte et c'était bon de sentir la nuit d'été couler sur nos corps bruns. <br /> Ce matin, Marie est restée et je lui ai dit que nous déjeunerions ensemble. Je suis descendu pour acheter de la viande. En remontant, j'ai entendu une voix de femme dans la chambre de Raymond. Un peu après, le vieux Salamano a grondé son chien, nous avons entendu un bruit de semelles et de griffes sur les marches en bois de l'escalier et puis: «Salaud, charogne», ils sont sortis dans la rue. J'ai raconté à Marie l'histoire du vieux et elle a ri. Elle avait un de mes pyjamas dont elle avait retroussé les manches. Quand elle a ri, j'ai eu encore envie d'elle. Un moment après, elle m'a demandé si je l'aimais. Je lui ai répondu que cela ne voulait rien dire, mais qu'il me semblait que non. Elle a eu l'air triste. Mais en préparant le déjeuner, et à propos de rien, elle a encore ri de telle façon que je l'ai embrassée. C'est à ce moment que les bruits d'une dispute ont éclaté chez Raymond. <br /> On a d'abord entendu une voix aiguë de femme et puis Raymond qui disait: «Tu m'as manqué, tu m'as manqué. Je vais t'apprendre à me manquer.» Quelques bruits sourds et la femme a hurlé, mais de si terrible façon qu'immédiatement le palier s'est empli de monde. Marie et moi nous sommes sortis aussi. La femme criait toujours et Raymond frappait toujours. Marie m'a dit que c'était terrible et je n'ai rien répondu. Elle m'a demandé d'aller chercher un agent, mais je lui ai dit que je n'aimais pas les agents. Pourtant, il en est arrivé un avec le locataire du deuxième qui est plombier. Il a frappé à la porte et on n'a plus rien entendu. Il a frappé plus fort et au bout d'un moment, la femme a pleuré et Raymond a ouvert. Il avait une cigarette à la bouche et l'air doucereux. La fille s'est précipitée à la porte et a déclaré à l'agent que Raymond l'avait frappée. «Ton nom», a dit l'agent. Raymond a répondu. «Enlève ta cigarette de la bouche quand tu me parles», a dit l'agent. Raymond a hésité, m'a regardé et a tiré sur sa cigarette. A ce moment, l'agent l'a giflé à toute volée d'une claque épaisse et lourde, en pleine joue. La cigarette est tombée quelques mètres plus loin. Raymond a changé de visage, mais il n'a rien dit sur le moment et puis il a demandé d'une voix humble s'il pouvait ramasser son mégot. L'agent a déclaré qu'il le pouvait et il a ajouté: «Mais la prochaine fois, tu sauras qu'un agent n'est pas un guignol.» Pendant ce temps, la fille pleurait et elle a répété: «Il m'a tapée. C'est un maquereau.» — «Monsieur l'agent, a demandé alors Raymond, c'est dans la loi, ça, de dire maquereau à un homme?» Mais l'agent lui a ordonné «de fermer sa gueule». Raymond s'est alors retourné vers la fille et il lui a dit: «Attends, petite, on se retrouvera.» L'agent lui a dit de fermer ça, que la fille devait partir et lui rester dans sa chambre en attendant d'être convoqué au commissariat. Il a ajouté que Raymond devrait avoir honte d'être soûl au point de trembler comme il le faisait. A ce moment, Raymond lui a expliqué: «Je ne suis pas soûl, monsieur l'agent. Seulement, je suis là, devant vous, et je tremble, c'est forcé.» Il a fermé sa porte et tout le monde est parti. Marie et moi avons fini de préparer le déjeuner. Mais elle n'avait pas faim, j'ai presque tout mangé. Elle est partie à une heure et j'ai dormi un peu. <br /> Vers trois heures, on a frappé à ma porte et Raymond est entré. Je suis resté couché. Il s'est assis sur le bord de mon lit. Il est resté un moment sans parler et je lui ai demandé comment son affaire s'était passée. Il m'a raconté qu'il avait fait ce qu'il voulait mais qu'elle lui avait donné une gifle et qu'alors il l'avait battue. Pour le reste, je l'avais vu. Je lui ai dit qu'il me semblait que maintenant elle était punie et qu'il devait être content. C'était aussi son avis, et il a observé que l'agent avait beau faire, il ne changerait rien aux coups qu'elle avait reçus. Il a ajouté qu'il connaissait bien les agents et qu'il savait comment il fallait s'y prendre avec eux. Il m'a demandé alors si j'avais attendu qu'il réponde à la gifle de l'agent. J'ai répondu que je n'attendais rien du tout et que d'ailleurs je n'aimais pas les agents. Raymond a eu l'air très content. Il m'a demandé si je voulais sortir avec lui. Je me suis levé et j'ai commencé à me peigner. Il m'a dit qu'il fallait que je lui serve de témoin. Moi cela m'était égal, mais je ne savais pas ce que je devais dire. Selon Raymond, il suffisait de déclarer que la fille lui avait manqué. J'ai accepté de lui servir de témoin. Nous sommes sortis et Raymond m'a offert une fine. Puis il a voulu faire une partie de billard et j'ai perdu de justesse. Il voulait ensuite aller au bordel, mais j'ai dit non parce que je n'aime pas ça. Alors nous sommes rentrés doucement et il me disait combien il était content d'avoir réussi à punir sa maîtresse. Je le trouvais très gentil avec moi et j'ai pensé que c'était un bon moment. <br /> De loin, j'ai aperçu sur le pas de la porte le vieux Salamano qui avait l'air agité. Quand nous nous sommes rapprochés, j'ai vu qu'il n'avait pas son chien. Il regardait de tous les côtés, tournait sur lui-même, tentait de percer le noir du couloir, marmonnait des mots sans suite et recommençait à fouiller la rue de ses petits yeux rouges. Quand Raymond lui a demandé ce qu'il avait, il n'a pas répondu tout de suite. J'ai vaguement entendu qu'il murmurait: «Salaud, charogne», et il continuait à s'agiter. Je lui ai demandé où était son chien. Il m'a répondu brusquement qu'il était parti. Et puis tout d'un coup, il a parlé avec volubilité: «Je l'ai emmené au Champ de Manœuvres, comme d'habitude. Il y avait du monde, autour des baraques foraines. Je me suis arrêté pour regarder « le Roi de l'Evasion». Et quand j'ai voulu repartir, il n'était plus là. Bien sûr, il y a longtemps que je voulais lui acheter un collier moins grand. Mais je n'aurais jamais cru que cette charogne pourrait partir comme ça.» <br /> Raymond lui a expliqué alors que le chien avait pu s'égarer et qu'il allait revenir. Il lui a cité des exemples de chiens qui avaient fait des dizaines de kilomètres pour retrouver leur maître. Malgré cela, le vieux a eu l'air plus agité. «Mais ils me le prendront, vous comprenez. Si encore quelqu'un le recueillait. Mais ce n'est pas possible, il dégoûte tout le monde avec ses croûtes. Les agents le prendront, c'est sûr.» Je lui ai dit alors qu'il devait aller à la fourrière et qu'on le lui rendrait moyennant le paiement de quelques droits. Il m'a demandé si ces droits étaient élevés. Je ne savais pas. Alors, il s'est mis en colère : «Donner de l'argent pour cette charogne. Ah ! il peut bien crever!» Et il s'est mis à l'insulter. Raymond a ri et a pénétré dans la maison. Je l'ai suivi et nous nous sommes quittés sur le palier de l'étage. Un moment après, j'ai entendu le pas du vieux et il a frappé à ma porte. Quand j'ai ouvert, il est resté un moment sur le seuil et il m'a dit: «Excusez-moi, excusez-moi.» <br /> Je l'ai invité à entrer, mais il n'a pas voulu. Il regardait la pointe de ses souliers et ses mains croûteuses tremblaient. Sans me faire face, il m'a demandé: «Ils ne vont pas me le prendre, dites, monsieur Meursault. Ils vont me le rendre. Ou qu'est-ce que je vais devenir?» Je lui ai dit que la fourrière gardait les chiens trois jours à la disposition de leurs propriétaires et qu'ensuite elle en faisait ce que bon lui semblait. Il m'a regardé en silence. Puis il m'a dit: «Bonsoir.» Il a fermé sa porte et je l'ai entendu aller et venir. Son lit a craqué. Et au bizarre petit bruit qui a traversé la cloison, j'ai compris qu'il pleurait. Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé à maman. Mais il fallait que je me lève tôt le lendemain. Je n'avais pas faim et je me suis couché sans dîner.
Répondre
Erasmus Campus FLE
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité